Droit Bancaire

Manquement au devoir de mise en garde du banquier sur les modalités de remboursement d’un crédit

Le Cabinet SUDAIX est intervenu dans une affaire ayant abouti à un jugement rendu le 14 mars 2025 par le tribunal judiciaire de Nice, condamnant une banque à indemniser ses clients pour manquement à son devoir de mise en garde.

Emprunter, oui, mais à quelles conditions ? Un prêt peut paraître soutenable à première vue, mais ses conditions de remboursement peuvent transformer un crédit ordinaire en un piège financier…

Le tribunal judiciaire de Nice a condamné la banque à indemniser ses clients au titre de la perte de chance subie par ceux-ci de ne pas souscrire ces prêts.

En l’espèce, les demandeurs, dont la qualité de non averti n’est pas remise en cause, ont souscrit auprès de leur banque deux prêts dans le cadre d’une même opération financière : le premier crédit d’un montant de 173.000 € et le second de 37.000 €, pour un capital total emprunté de 210.000 €.

Ces deux crédits visaient à financer l’acquisition d’un appartement dans le cadre d’un ancien dispositif légal de défiscalisation dit « Loi Scellier » (ancien dispositif « Pinel »).

Ces deux crédits étaient remboursables respectivement sur 216 et 256 mensualités dont les valeurs ne sont pas constantes : il s’agissait de remboursements « par paliers ». À titre d’illustration, pour le premier prêt, 65 mensualités s’élèvent à 870 €, puis les 65 mensualités suivantes atteignent 2.000 €, et les trois dernières échéances grimpant à 2.880 €, soit plus du triple… Le loyer à percevoir, lui, est plafonné dans le cadre de ce dispositif de défiscalisation « loi Scellier ».

Les demandeurs recherchent ainsi la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation précontractuelle d’information sur les risques financiers liés à cette opération globale de crédit. Elle considère également que la banque a manqué à son devoir de mise en garde de ses clients contre un risque d’endettement excessif face aux différents « paliers » de remboursement.

Ils argumentent en ce sens que la banque avait connaissance des revenus financiers de ses clients et qu’elle ne lui avait délivré aucune information claire et précise sur ces hausses assez brutales des mensualités par paliers, risquant de faire exploser leur taux d’endettement.

La banque a soutenu en défense que :

  • Les conditions particulières des deux prêts, signés par les clients, récapitulent l’ensemble des paliers de remboursement des deux crédits ;
  • Les contrats de crédit, signés par les clients, comprennent les tableaux d’amortissement détaillés des deux crédits ;

De sorte que les clients étaient donc parfaitement informés du détail de ces amortissements progressifs par paliers ; d’autant qu’il résultait de la situation et des déclarations des clients que leurs revenus devaient augmenter de façon notable au fil des années.

  • Conformément à son principe de non-immixtion, la banque est tenue de ne pas se prononcer sur l’opportunité de l’opération immobilière de défiscalisation, dès lors qu’elle n’a pas activement pris part à la mise en place de cette opération, mais doit à l’inverse se borner à proposer un type de financement répondant aux demandes des clients, et qui a en l’espèce été accepté par les clients.

Dès lors, il s’agissait pour la juridiction de déterminer si la banque était alors redevable d’un devoir de mise en garde allant au-delà des informations relatives aux paliers d’amortissement clairement stipulées dans les contrats de crédit signés par les clients.

  • Le tribunal a statué en faveur des demandeurs et estime tout d’abord que « ce n’est pas tant le montant du prêt accordé qui doit être pris en considération pour apprécier le risque d’endettement excessif que les modalités de son remboursement qui étaient manifestement inadaptées aux facultés contributives des emprunteurs. »
  • En outre, la juridiction a considéré que la banque n’a pas démontré avoir mis en garde les emprunteurs sur le risque d’endettement excessif face aux modalités particulières de remboursement des crédits, au regard de leurs capacités financières.
  • Le tribunal estime en effet que « la circonstance que les tableaux d’amortissement aient été joints aux offres de prêts », informant de ce fait l’emprunteur des différents paliers de remboursement, « ne délie pas l’établissement prêteur de son devoir de mise en garde au regard de la spécificité des modalités de remboursement proposées ».
  • En revanche, le tribunal judiciaire de Nice a considéré que la banque « n’était débitrice d’aucune obligation d’information sur l’opportunité ou les risques de l’investissement envisagé » en ce qu’il n’était pas démontré qu’elle aurait activement pris part à l’opération de défiscalisation.

Dès lors, le tribunal a condamné la banque pour son manquement au devoir de mise en garde, à indemniser les clients de leur préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ces prêts, à hauteur de 20 % du coût total des deux crédits soit près de 70.000 €, outre indemnisation pour frais de justice.

En définitive, manque à son devoir de mise en garde la banque qui n’a pas spécifiquement alerté ses clients, au-delà du détail des stipulations contractuelles, du risque d’endettement excessif engendré par les modalités particulières de remboursement de deux prêts.

Cette décision rappelle aux banques que la protection du consommateur n’est pas assurée par les seules stipulations contractuelles protectrices des professionnels, mais qu’elle nécessite ici une réelle et active mise en garde, qu’elle doit prouver en cas de litige. Le Cabinet SUDAIX vous accompagne et vous défend à la lumière des jurisprudences qu’il obtient.

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