Droit des affaires

Devoir de vigilance de l’expert-comptable

En tant que garant de la transparence financière, l’expert-comptable doit respecter un devoir de vigilance et faire preuve de diligence dans l’exercice de son métier et ce particulièrement dans l’approbation des comptes et la gestion des bénéfices.

Est ainsi retenue la responsabilité de l’expert-comptable ne s’étant pas opposé à l’inscription de l’écriture visant à verser un dividende à un actionnaire alors même que cette répartition ne faisait l’objet d’aucune autorisation par l’assemblée générale.

Par un arrêt du 19 novembre 2024, le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, condamne le professionnel a versé une indemnité de 5000€ au titre du préjudice moral subi par la victime.

En l’espèce, la société X détenue par son associé unique Y est cédée, dans un premier temps, à 60% à une société W, puis dans un second temps, à 40% à une personne physique. Lors de la première cession, il était convenu entre le cédant et le cessionnaire de la mise en place d’une garantie d’actif et de passif valable pendant trois ans. Dans le cadre de la cession, une clause prévoyait que les dividendes versés, lors de l’assemblée générale approuvant les comptes de l’année suivant la cession, seraient intégralement attribués au cédant (la société Y). Quelques années plus tard, la société X est placée en liquidation judiciaire du fait notamment d’un remboursement d’un compte courant d’associé détenu par la société cédante.

Les parties demanderesses à savoir, la société X et son nouveau gérant (également gérant de la société W), contestaient le versement des dividendes de 28.881 euros au titre de l’affectation des dividendes distribués au titre de l’exercice suivant la cession des parts sociales de la société X à la société W. La demande soutenait en effet, que ce versement, établi par l’expert-comptable de la société X, ne faisait pas l’objet d’une autorisation par l’assemblée générale de cette dernière, condition pourtant primordiale pour la validité d’une quelconque répartition des bénéfices.

L’expert-comptable a reconnu avoir établi l’écriture des dividendes d’un montant de 28.881 euros sans détenir une copie du procès-verbal autorisant une telle répartition.

La société cédante Y et son gérant (ancien dirigeant de la société X) invoquait quant à eux la clause du contrat de cession, ci-dessus mentionnée, prévoyant le versement complet des dividendes de l’exercice suivant la cession des parts.

Le tribunal devait dès lors répondre à la question de savoir si le versement d’un dividende convenu par une disposition contractuelle nécessite l’accomplissement des formalités d’approbation par l’assemblée générale annuelle.

Le tribunal considère que la partie défenderesse (la société Y) « disposait du droit de recevoir l’intégralité des dividendes au titre de l’exercice suivant la cession, comme le prévoyait l’acte de cession, sous réserve toutefois de respecter les règles comptables à savoir que ces dividendes aient fait l’objet d’une approbation préalable par l’assemblée générale statuant sur les comptes clos ». Or aucune assemblée générale n’avait été tenue, l’autorisation de la répartition des bénéfices n’a donc pas été accordée rendant nul le versement des dividendes à la société Y. Que par ailleurs, le gérant de la société Y, en sa qualité d’ancien dirigeant de la société X « ne pouvait ignorer le fonctionnement de ces règles comptables, ayant été lui-même bénéficiaire de dividendes dans le passé ».

Le tribunal condamne, d’une part, la société Y à rembourser à la société X, en la personne de son liquidateur judiciaire la somme de 28 881 € correspondant aux dividendes indûment perçus, outre l’application du taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure. D’autre part, l’expert-comptable est tenu de verser 5 000 € à la société X au titre du préjudice moral subi, en raison du manque de vigilance dont il a fait preuve dans l’établissement de ces dividendes, et ce en l’absence même d’un procès-verbal de l’assemblée générale validant cette décision.

Le professionnel doit donc être diligent en ce que les dispositions contractuelles ne le dispensent pas de respecter les formalités légales. Ainsi, bien que la liberté contractuelle s’applique, le respect de la procédure demeure le maître mot.

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